Suis-je en sécurité dans ma van?

La question est légitime. Suis-je en sécurité dans une van pour dormir et vivre? 

Au tout début de mon expérience, je me suis effectivement sentie plus vulnérable dans mon bus que dans tous les appartements montréalais où j'ai vécu. Ma première nuit, fin juin 2019, complètement emménagée dans mon Skoolie, sans aucune autre maison, j'ai pleuré. Je me demandais bien ce qui m'avait pris. Je peux vous dire que je me sentais assez hurluberlue merci! J'ai senti mon monde s'effondrer sous mes pieds. J'ai eu plusieurs pensées qui ont traversé mon esprit. Les craintes d'une entrée par effraction, d'attaque en pleine nuit. J'ai eu peur de croiser sur mon chemin des personnes mal intentionnées. Une amie m'a écoutée, et m'a rassurée. Ça m'a fait un grand bien, et surtout, elle m'a aidée à relativiser. 

Voici une des phrases que j'ai entendue très souvent: «Tu es une femme seule, tu n'as pas peur?» À cela, je me suis posée quelques questions. Pourquoi les gens nommes-t-ils que je suis une femme? Est-ce que les hommes devraient avoir moins peur? Ils savent mieux se défendre? Ils sont plus forts? Les gens qui attaquent sont des hommes? De quoi exactement avons-nous peur? Est-ce que statistiquement, ce sont les femmes qui se font davantage attaquer? Est-ce que vous vous êtes déjà posé ces questions? Je me demande parfois si nous sommes vraiment plus vulnérables en tant que femmes, ou si plutôt, nous croyons fermement ce que la société et nous-mêmes nous répétons sans cesse. Peut-être qu'à force de répétition d'affirmations aussi simples telles que «tu es une femme seule, tu n'as pas peur?», il en résulte une consolidation de cette croyance. Qu'en pensez-vous? Ça vaut la peine d'y réfléchir au moins, non? À mon avis, les hommes ont tout aussi peur. La différence, c'est qu'on ne leur a pas bourré le crâne avec des affirmations telles que «tu devrais avoir peur, tu es un homme». Tout le monde a peur, c'est une réaction normale de protection.

Ceci étant dit, personnellement, comme j'en ai marre d'être craintive tout le temps, je choisis depuis un bon moment dans ma vie, jour après jour, le plus consciemment possible, de ne pas me laisser mener par mes peurs. Comment je fais ça? 

1. J'identifie ma peur. 
2. Je relativise en évaluant si le risque est réel, possible ou impossible. 
3. Je m'informe. 
4. Je me prépare. 
5. Je reste en contact avec mon intuition, ou ma petite voix intérieure.
6. Je reste positive.

Être positif n'est pas une mince affaire quand notre cerveau a été conditionné à se méfier. Beaucoup de gens vivent dans la méfiance, soit parce qu'il leur est effectivement arrivé des événements traumatisants, soit parce qu'une personne tierce, un parent par exemple, a transmis ses propres peurs. Ces personnes proches ne le font certainement pas pour vous empêcher d'évoluer dans la vie, leur intention est bonne, ils vous aiment, ils ne veulent pas que vous vous fassiez mal. C'est un simple geste d'amour. Ne leur en voulez pas, mais ne les écoutez pas à la lettre non plus. 😉 😈 Pour arriver à quelques résultats, quelques risques sont nécessaires. Vous voulez réaliser vos rêves, oui ou non? Donc, une grande part sera de faire confiance à la vie à mon avis. Des malchances, ça arrive, et c'est rare que nous y soyons préparées, mais ça peut arriver n'importe où, en commençant par le confort de notre propre foyer. Ce n'est donc pas une raison valable pour mettre en suspens nos rêves de liberté. Vivre ce rêve de voyager et d'être mobile est important pour moi, et je préfère le faire que de continuer d'y rêver. C'est beaucoup plus remplissant, car lorsque je ferai le bilan de ma vie sur mon lit de mort, je pourrai regarder mon parcours la tête haute.

Je pourrais lister ici les moyens que vous pouvez utiliser pour prévenir une attaque, ou pour vous défendre, mais on en parle déjà ici et là sur la toile. À mon avis, bien que ces moyens aient leur valeur, je crois que de mettre l'accent sur eux véhiculent encore une fois l'idée selon laquelle il faille se protéger, et donc, qu'il y a des raisons d'avoir peur. Cela engendre une couche supplémentaire de crainte à celle qui est là naturellement. Ce n'est pas ce que je veux. Ça ne me dérange pas de partager avec vous mes deux trois trucs rapidement, mais je ne souhaite pas que ce soit ce que vous reteniez. Donc, rapidement, j'ai une petite bouteille de répulsif pour chiens agressifs, et je garde toujours mes clés près de mon lit, au même endroit au cas où je devrais quitter très vite. J'ai aussi une lampe de poche pour aveugler quiconque cognerait à ma porte la nuit. 

Ce que je voulais avec ce petit écrit, mon petit grain de sel, était de vous faire voir la question, non sous l'angle de la peur, mais sous l'angle de la positivité. Pouvons-nous arrêter de mettre l'accent sur la menace? Mettons le focus sur la beauté de ce que nous vivons, et vivrons encore et encore, en nous réalisant à travers nos rêves.

Donc, pour répondre à la question du début «Suis-je en sécurité dans ma van?», je réponds, pas plus qu'ailleurs, mais maudit que j'y suis bien et heureuse! 

La fille qui va... en faisant confiance à la vie.

« C’était un pacte que j’avais conclu avec moi-même quelques mois plus tôt, la condition indispensable pour pouvoir partir ainsi, seule. Je savais que si je laissais la peur m’envahir, mon voyage était voué à l’échec. La peur est en grande partie due aux histoires qu’on se raconte, alors j’ai décidé de me raconter autre chose que ce qu’on répète aux femmes. J’avais décidé que je ne courais aucun danger. J’étais forte. Courageuse. Rien ne pourrait me vaincre. M’en tenir à cette histoire était une forme d’autopersuasion, mais, la plupart du temps, ça fonctionnait. Chaque fois que j’entendais un bruit d’origine inconnue ou que je sentais quelque chose d’horrible prendre forme dans mon imagination, je le repoussais. Je ne me laissais pas impressionner. La peur engendre la peur. La puissance engendre la puissance. Et il n’a pas fallu longtemps pour que je cesse réellement d’avoir peur. » Cheryl Strayed (Citation tirée de son livre Wild)